Avis·Films·Les femmes coréennes dans la production audiovisuelle

[K-Movie] Moon Young

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Moon Young

Titre original: 문영
Pays: Corée du Sud
Genre: Drame
Durée: 43 minutes (festival) / 64 minutes (cinéma)
Sortie: 15 Novembre 2015 (festival) / 12 Janvier 2017 (cinéma)
Réalisatrice: Kim So Yeon
Scénariste: Kim So Yeon
Compositeur: K.AFKA
Directeur de la photographie: Jung Young Sam
Sociétés de distribution: KT&G Sangsangmandang
Casting principal: Kim Tae Ri (Kim Moon Young), Jung Hyun (Jang Hee Soo), Park Wan Kyu (père de Moon Young), Park Jung Sik (Kwon Hyuk Chul)

Le tournage de Moon Young a eu lieu en février 2013 pour une sortie du court-métrage le 27 novembre 2015 lors du festival du film indépendant de Séoul. D’une durée de 43 minutes, le film a été prolongé jusqu’à 64 minutes pour sa sortie en salle le 12 janvier 2017. Sur un temps si court, ces 20 minutes semblent très longues. J’ai pour ma part regardé la version cinématographique et je suis curieuse de savoir quelles scènes ont été rajoutées. En effet, aucune ne m’a semblé inutile. Si le film est plutôt silencieux et contemplatif, toutes les scènes ont leur importance.

Kim Moon Young est une jeune fille muette de 18 ans. La caméra toujours à la main, elle filme sans cesse ce qui se passe autour d’elle. Elle regarde la vie par cette caméra plutôt que de la vivre. Elle passe ainsi beaucoup de temps dans le métro à filmer le visage de nombreux inconnus. Elle s’attarde surtout sur ceux des femmes d’âge moyen. Il devient alors évident qu’elle est à la recherche de sa mère qui l’a abandonnée quand elle était petite. Élevée par son père alcoolique, elle ne communique absolument pas avec lui. Il semble d’ailleurs ne savoir que l’insulter. Moon Young protège son intimité plus qu’elle ne se protège de lui en cadenassant la porte de sa chambre. Elle le considère plus comme quelqu’un de pathétique qu’effrayant. Elle se protège aussi des autres en vivant repliée sur elle-même. Elle passe son temps à dormir sur sa table d’école et semble ne porter aucun intérêt à ses camarades. Celles-ci ne s’approchent d’ailleurs pas vraiment d’elle même si elle ne semble pas harcelée ou rejetée. Moon Young a un visage fermé qui empêche les autres de s’approcher. De plus, elle a souvent la capuche relevée sur sa tête ce qui la cache.

Une rencontre va cependant changer la vie de Moon Young. Un soir, elle est le témoin de la rupture d’une jeune femme et de son petit-ami. Elle filme la scène mais se fait surprendre par la femme en pleurs, Jang Hee Soo. Agée de 28 ans, cette dernière est très expansive. Absolument pas gênée d’avoir été filmée à son insu, elle souhaite cependant récupérer la vidéo. Moon Young est très réticente à la lui donner mais elle n’a pas d’autres choix que d’obtempérer. Les deux jeunes femmes commencent alors à se rapprocher.

Moon Young se retrouve entraînée par Hee Soo par la force des choses. Très opposées l’une de l’autre, elles apprennent à se connaître en passant du temps ensemble et deviennent alors des amies. Elles profitent d’instants simples tout en se dévoilant l’une à l’autre. Si Hee Soo ne cache pas grand chose d’elle, que ce soit sa relation de presque dix ans avec son ex-petit-ami, ses erreurs comme de l’avoir trompé avec une femme ; Moon Young est au contraire bien plus réservée. Elle finira cependant par raconter son histoire et ses sentiments.

Hee Soo devient pour Moon Young une personne spéciale. Elle n’a personne à ses côtés alors elle devient vite dépendante d’elle. Elle est même jalouse de ses anciens partenaires qui sont toujours importants pour Hee Soo. Leur relation n’est pas qualifiée, qu’elle soit amoureuse ou amicale. Le statut est ainsi un peu flou. Le plus important est que Moon Young a finalement trouvé une personne qui se soucie d’elle et qui lui permettra de s’affranchir de son passé pour enfin se tourner vers l’avenir.

Moon Young rejoint une longue lignée de films racontant le passage à l’âge adulte d’adolescents. Cependant, celui-ci s’intéresse plutôt au réveil de sa protagoniste. En étant confrontée au monde par Hee Soo, Moon Young est obligée de participer. Elle doit ainsi admettre qu’elle a besoin des autres, même s’ils sont aussi cassés qu’elle.

La palette de couleurs utilisée pour Moon Young est plutôt sombre, avec de nombreuses scènes de nuit et des décors dans les tons de gris (vêtements, habitations…). L’atmosphère du film n’est cependant pas aussi morne qu’annoncée. Les réactions agressives de Moon Young, la volubilité de Hee Soo, quelques touches de couleur, etc., apportent de la vivacité. Les moments de complicité partagés entre Moon Young et Hee Soo donnent aussi lieu à de jolies scènes. J’ai beaucoup aimé leur dernière scène ensemble, faite de silences et de sourires. Si je n’apprécie habituellement guère les mouvements de caméra secouée, ceux-ci prennent vraiment part à l’histoire puisqu’il s’agit de ceux de Moon Young qui filme le monde qu’elle voit. J’ai aussi beaucoup aimé la bande-sonore. La musique est douce et accompagne parfaitement l’image, donnant souvent lieu à un rendu mélancolique. Il y a aussi beaucoup de silence autour de Moon Young, du fait de son handicap tout autant que de son repli sur elle-même. Cependant, le bruit n’est jamais loin, celui de la ville et de son métro, et surtout celui de Hee Soo qui ne saurait se taire. Moon Young peut participer à ce monde.

Ressenti : ★★★☆☆

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[K-Movie] House of hummingbird

House of hummingbird
House of hummingbird

Titre original: 벌새 / Beolsae
Pays: Corée du Sud
Genre: Drame
Durée: 138 minutes
Sortie: 6 Octobre 2018 (projection en festival) / 29 Août 2019
Réalisatrice: Kim Bo Ra
Scénariste: Kim Bo Ra
Productrices: Zoe Sua Cho, Kim Bora
Compositeur: Matija Strniša
Directeur de la photographie: Kang Gook Hyun
Sociétés de production: Epiphany Film, Mass Ornament Films
Casting principal: Park Ji Hoo (Eun Hee), Kim Sae Byuk (Young Ji), Jung In Ki (père de Eun Hee), Lee Seung Yeon (mère de Eun Hee), Park Soo Yeon (Soo Hee – soeur de Eun Hee), Son Sang Yeon (Dae Hoon – frère de Eun Hee)

Eun Hee est une adolescente de 14 ans. Elle a grandi dans une famille dysfonctionnelle mais certainement typique. Ses parents qui tiennent un petit magasin de gâteaux de riz se disputent constamment devant leurs enfants. Dernière de la famille, Eun Hee a une grande sœur rebelle avec qui elle partage sa chambre et un grand frère qui la frappe souvent. En plus de l’ambiance pesante de sa maisonnée où elle ne trouve pas sa place, Eun Hee doit affronter d’autres problèmes. Elle ne se plaît pas à l’école ; elle n’est pas très scolaire et préfère dessiner plutôt qu’étudier. Elle doit de plus faire face à l’angoisse d’une maladie. Ses difficultés sont aussi d’ordre affectif puisque ses relations amicales ou amoureuses sont décevantes.

Quand ma vie va-t-elle commencer à s’ensoleiller ? – Eun Hee

Eun Hee rêve ainsi d’une vie meilleure. Le film suit la vie de Eun Hee et ses relations avec les autres. Elle se sent étrangère à ce qui l’entoure. Son mal-être va cependant être compris par sa nouvelle professeure de chinois, Kim Young Ji. Avec ses manières franches, cette dernière va l’aider à s’accepter telle qu’elle est.

Le plus difficile dans la vie est d’apprendre à s’accepter, puis à s’aimer. – Young Ji

L’histoire se déroule en 1994 à Séoul. Cette année a vu beaucoup d’événements : la coupe du monde, la mort du leader nord-coréen Kim Il Sung et l’effondrement du pont Seongsu. Ce désastre occupe une place centrale dans le film et permet à la famille de se parler. Eun Hee se sent en marge de celle-ci mais elle y a pourtant sa place. Des petits gestes et quelques paroles suffisent à faire ressentir l’amour des parents pour leurs enfants ainsi que celui de ses frère et sœur. Cela n’efface pas toute la violence qu’elle côtoie mais lui permet de comprendre qu’elle compte. Le contexte historique reste cependant discret avec les événements annoncés à la télévision ou dans les journaux plutôt que vraiment vécus, une chanson écoutée à un moment, quelques messages envoyés sur un pager…

Les histoires de passage à l’âge adulte sont légion mais ce film se distingue par son ton doux et observateur. La caméra suit le point de vue de Eun Hee sans pour autant entrer dans son esprit. Les autres personnages ne servent qu’à donner du relief à Eun Hee. Il y a des non-dits et des problèmes non résolus, puisque la vie de Eun Hee va continuer. Tout ne s’améliore pas subitement. Elle aura simplement appris à s’aimer et à s’accepter, et pourra ainsi se faire sa place dans ce monde. Kim Bo Ra nous donne à voir un film très délicat, écrit et réalisé avec finesse, sur le touchant récit initiatique de la solitaire Eun Hee. La performance de l’actrice Park Ji Hoo est toute en subtilité.

D’une durée de plus deux heures, House of hummingbird se permet de longs plans contemplatifs. Il n’y a pas cependant pas d’instants de trop puisque toutes les scènes sont importantes pour montrer l’évolution d’Eun Hee. Ce film est son voyage. A la fin de celui-ci, elle est prête à affronter ce que le monde lui offrira.

Ressenti : ★★★★☆

Trailer :

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[K-Movie] Malmoe: the secret mission

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Malmoe: the secret mission

Titre original: 말모이 / Malmoi
Titre alternatif: MAL-MO-E: the secret mission
Pays: Corée du Sud
Genre: Drame historique
Durée: 135 minutes
Sortie: 9 Janvier 2019
Réalisatrice: Uhm Yoo Na
Scénariste: Uhm Yoo Na
Productrice: Park Eun Kyung
Compositeur: Jo Yeong Wook
Directeur de la photographie: Choi Young Hwan
Société de production: The Lamp
Société de distribution: Lotte Cultureworks
Casting principal: Yoo Hae Jin (Kim Pan Soo), Yoon Kye sang (Ryu Jung Hwan), Kim Sun Young (Goo Ja Young), Kim Hong Fa (Mr. Jo), Kim Tae Hoon (Park Hoon), Min Jin Woong (Min Woo Chul), Woo Hyun (Im Dong Ik)

Avant de commencer la critique de ce film inspiré de faits réels, voici un peu d’Histoire des XIXème et XXème siècles coréens pour situer le contexte. A la suite de quelques tentatives d’invasion, la Corée est restée très fermée aux étrangers après le Moyen-Age. Ce n’est qu’en 1894 que la Corée est forcée de s’ouvrir de nouveau en demandant de l’aide à la Chine pour gérer une crise économique. Ce n’est pas du goût du Japon qui s’oppose à la Chine lors de la première guerre sino-japonaise (1894-1895) notamment pour le contrôle de la Corée. Les victoires japonaises obligent la Corée à faire une alliance militaire avec le Japon. Après la guerre russo-japonaise (1904-1905), la Corée devient un protectorat japonais (cela peut se comparer aux colonies européennes). Le 22 août 1910 fut signé le traité d’annexion de la Corée par le gouvernement coréen et le gouvernement impérial japonais. Il permet ainsi au Japon de contrôler et d’exploiter la Corée. Le 1er mars 1919 a lieu un soulèvement des populations coréennes contre l’occupant japonais qui est sévèrement réprimé. La Corée vit sous contrôle japonais jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. Après la victoire des Alliés en 1945, la Corée est divisée en deux zones séparées par le 38ème parallèle. Le Nord est sous influence de l’Union soviétique tandis que le Sud est sous influence américaine.

L’histoire du film se déroule dans les années 40 sur une période de plusieurs années. Les coréens sont sous domination japonaise depuis plus de trente ans. Ils parlent coréen entre eux lorsqu’il n’y pas de militaires japonais aux alentours mais leur premier réflexe est de parler japonais notamment quand ils s’excusent auprès d’inconnus. De plus, les élèves apprennent le japonais à l’école et aucun mot coréen ne doit être entendu. Les professeurs de coréen ont été forcés de démissionner. Plus les mois passent, plus les règles se durcissent. Les films diffusés au théâtre ne sont plus en coréen, ils prônent la gloire de l’Empire japonais ; les étudiants coréens sont forcés de changer leur nom en japonais, et il existe bien d’autres exemples. Le Japon veut tout simplement anéantir l’identité coréenne. Il est si facile pour les autorités japonaises de réduire au silence les plus faibles et les plus contestataires en les emprisonnant. La vie en prison est très difficile, les privations sont légion et la torture semble être une pratique courante. Il est ainsi aisé de menacer des familles, en prévoyant des arrestations ou des envois des jeunes à la guerre puisque la Seconde Guerre Mondiale a cours.

Les mots reflètent l’esprit d’une nation. Les livres sont nos bouées de sauvetage. – Ryu Jung Hwan

Des personnes résistent à cette domination japonaise au péril de leur vie et de celle de leurs proches. La société de langue coréenne est dirigée par Ryu Jung Hwan. Académicien pragmatique, il est en froid avec son père pro-japonais qui est le directeur du collège de Séoul. Ryu Jung Hwan supervise la rédaction d’un dictionnaire avec Mr. Jo, Im Dong Ik, Park Hoon, Gu Ja Young et Min Woo Chul. Ceux-ci exercent tous une profession littéraire : poète, journaliste, professeur, etc. Ils effectuent un travail de long haleine. Cela fait dix ans qu’ils regroupent des mots avec leurs définitions provenant de toute la Corée. En effet, chaque province de Corée a un dialecte particulier et les mots ne sont pas les mêmes d’un endroit à l’autre. Leur tâche est cependant loin d’être terminée.

La société de langue coréenne va être aidée dans sa mission par Kim Pan Soo. Il subvient difficilement aux besoins de sa famille. Son fils aîné Deok Jin étudie à l’école tandis que sa fille Soon Hee est encore jeune. Voleur local et illettré, on pourrait penser qu’il est loin de ressembler aux membres de la société de langue coréenne. Pourtant, ils ont bien des choses en commun. De plus, il leur apporte aussi beaucoup. Ce n’est pas parce qu’il ne sait pas lire et écrire (mais il va y travailler !) qu’il ne peut pas apprendre des choses aux autres. Il connaît en effet des mots d’argot que les lettrés n’utilisent pas. Il a aussi beaucoup de contacts qui lui seront très utiles.

Le pas de dix personnes est plus important que les dix pas d’une seule personne.

Le groupe mené par Ryu Jung Hwan doit faire attention à ce qu’il fait. La langue coréenne est bannie des écoles et bientôt des journaux et des livres. Rédiger un dictionnaire est interdit mais ils doivent mener leur mission à bien pour pouvoir préserver leur langue. En effet, chaque langage est particulier à sa région et à sa nation. Dans le film, il montre l’usage du mot « nous ». En coréen, on dit « notre famille », « notre maison », « notre pays », etc. pour parler de « ma famille, « ma maison », « mon pays ». Cela inculte un fort sens de communauté. La société de langue coréenne ne peut pas choisir seule les mots à entrer dans le dictionnaire. Elle veut réunir un forum pour que des professeurs de toutes les provinces coréennes puissent voter. Les érudits et les analphabètes luttent ensemble pour que l’héritage de leur langue puisse perdurer.

Le film est beaucoup moins larmoyant que ce à quoi je m’attendais. Malmoe: the secret mission est un drame historique ce qui engendre forcément des pertes. Quelques passages sont évidemment tristes mais le film propose aussi des moments drôles. De plus, les personnages vivent des moments difficiles mais ils arrivent toujours à garder le sourire et à apporter une certaine chaleur en les regardant. Le film est avant tout un témoignage nationaliste de cette période où la Corée souffrait sous l’oppression japonaise. Le spectateur ne peut que compatir en suivant ce groupe de patriotes. Mené par la voix d’un homme ordinaire – Kim Pan Su, il s’intéresse à la sauvegarde de la langue coréenne.

Ressenti : ★★★★☆

Trailer :

 

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[K-Movie] Way back home

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Way back home

Titre original: 집으로 가는 / Jibeuro Ganeun Gil
Titres alternatifs: The way home, The road home
Pays: Corée du Sud
Genre: Drame
Durée: 131 minutes
Sortie: 11 Décembre 2013
Réalisatrice: Bang Eun Jin
Scénariste: Yoon Jin Ho
Producteurs: Im Sang Jin, Jang Won Seok, Kang Myeong Chan, Seo Young Hee
Compositeur: Kim Jun Seong
Directeur de la photographie: Lee Mo Gae
Sociétés de production : Dasepo Club, CJ Entertainment, Neon Productions
Société de distribution: CJ Entertainment
Casting principal: Jeon Do Yeon (Song Jeong Yeon), Go Soo (Kim Jong Bae), Bae Sung Woo (Chef de section Chu)

Song Jeong Yeon et Kim Jong Bae viennent juste d’ouvrir une entreprise de carrosserie. Mariés depuis quelques années, ils ont une petite fille. Ils ne roulent pas sur l’or mais vivent décemment. Kim Jong Bae s’est porté garant pour un ami mais il ignorait que la somme était beaucoup plus conséquente que celle annoncée. Lorsque cet ami ne peut rembourser son prêt, les biens de Song Jeong Yeon et Kim Jong Bae sont saisis et ils sont alors plongés dans la misère. Ils déménagent dans un sous-sol insalubre dont ils ne peuvent même pas payer le loyer. Après quelques mois de cette pauvreté, la relation entre les deux époux n’est pas au beau fixe. Un autre ami de Jong Bae propose alors à la famille un plan pour gagner de l’argent. (Il a des amis exceptionnels le mari.) Jeong Yeon accepte alors de servir de mule pour passer des bijoux d’un pays à un autre. Cependant, le sac qu’elle transporte contient de la cocaïne…

Jeong Yeon est arrêtée par la justice française. Elle passe quelques mois dans une prison à Fresnes avant d’être transférée en Martinique. Il lui est difficile de communiquer avec les autres puisqu’elle ne parle pas ni le français ni l’anglais et que les autorités françaises ne font aucun effort non plus. Elle n’a donc souvent aucune idée de ce qu’il se passe autour d’elle ni de ce qu’elle doit faire. Elle est propulsée dans un pays étranger où les conditions de détention sont terribles. Elle ne reste que quelques semaines à Fresnes où elle est dans une cellule solitaire. En Martinique, elle partage sa cellule avec une autre prisonnière. De plus, les autres détenues sont loin d’être accueillantes sans parler des gardes. Elle vit des choses horribles mais qui deviennent sa norme : être persécutée par les autres détenus, notamment par son apparence asiatique, ne pas pouvoir manger à sa faim, être forcée d’avaler des somnifères, etc.

Jong Bae ignore pendant longtemps où elle se trouve. Elle arrive à le prévenir quand elle est arrêtée mais elle peine à le joindre à nouveau quand elle est transférée. Et surtout, elle ignore un long moment où elle se situe. Son mari fait tout son possible pour l’aider, en contactant quotidiennement la police et en menant lui aussi son enquête. Il doit retrouver la trace de son ami pour certifier que sa femme ne connaissait pas le contenu de la valise. Il fait aussi appel à l’ambassade coréenne pour avoir son appui. Cette dernière ne fait absolument rien pour l’aider. Le film est très frustrant à regarder quand le spectateur voit l’inaction et les erreurs commises par l’ambassade coréenne. Les diplomates se soucient plus de leur image et de leurs repas que du sort d’une citoyenne coréenne ayant commis un crime. Le bureaucrate Chu fera certainement monter votre tension…

Le film est porté par la performance de Jeon Do Yeon en femme au foyer séparée de sa famille qui est projetée dans un univers dur et inconnu. Elle arrive à transmettre sa peur, sa détresse ou  son abandon avec seulement un regard. Go Soo est tout aussi formidable en mari désespéré et combattif.

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Ce film est inspiré d’une histoire vraie. [*] Le 30 octobre 2004, Jang Mi Jeong a été arrêtée à l’aéroport d’Orly en France pour contrebande. Elle transportait une valise de 17 kilogrammes de cocaïne. Jang Mi Jeong a dit qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle contenait ; elle avait reçu un sac de l’ami de son mari, qu’elle connaissait depuis plus de 10 ans, et il lui avait dit qu’il était rempli de pierres précieuses non polies. Jang Mi Jeong avait accepté de transporter la valise de la Guyane aux Pays-Bas via la France en échange de 4 millions de won (environ 4 000 dollars). Après avoir été arrêtée à Orly, Jang Mi Jeong a été incarcérée près de Paris pendant trois mois en attendant son procès. Puis, après avoir été reconnue coupable, elle a été envoyée dans une prison de la Martinique dans les Caraïbes. Elle a été oublié par le gouvernement coréen. Elle est finalement retournée en Corée deux ans plus tard, le 18 novembre 2006.

L’histoire de cette femme a ensuite été présentée dans une émission documentaire d’investigation de KBS en 2006 sous le titre In Depth 60 Minutes. En 2013, Jang Mi Jeong a publié le livre Lost Days, racontant son épreuve et sa vie après son retour de prison, en particulier sa réadaptation difficile à la société coréenne et l’ostracisme auquel elle et ses deux filles ont été confrontées. En effet, le film s’arrête au retour de Jeong Yeon en Corée du Sud, où elle est réunie avec son mari et sa fille. Le retour à la réalité pour Jang Mi Jeong est beaucoup moins réjouissant. Traumatisée par ce qu’elle avait vécu, elle ne pouvait pas vivre normalement. Il lui a fallu beaucoup de temps pour s’adapter à nouveau à la société coréenne.

Tout comme Jeong Yeon, Jang Mi Jeong n’a jamais renié ce qu’elle a fait. Elle sait qu’elle a commis un crime mais elle a connu pour celui-ci une peine injustifiée. Le ministère des affaires étrangères a été critiqué par Jang et les cinéastes pour sa gestion de l’incident, citant leur négligence diplomatique et les qualifiant d’irresponsables lorsqu’il s’agit de protéger les coréens à l’étranger. Les responsables du ministère des affaires étrangères ont quant à eux insisté sur le fait que l’histoire du film n’est pas toute la vérité.

Way back home est un mélodrame sans aucun doute romancé pour obtenir plus de pathos. Et cela fonctionne. Le spectateur ne peut que s’intéresser au destin de cette femme isolée dont le crime n’est jamais absous mais dont la punition n’est pas en accord. Il ne peut que se révolter face à l’indifférence et à l’incompétence de la bureaucratie coréenne.

Ressenti : ★★★★★

Trailer :

Sources :
[*] Korea JoongAng Daily

Avis·Films·Les femmes coréennes dans la production audiovisuelle

[K-Movie] Cart

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Cart

Titre original: 카트 / Kateu
Pays: Corée du Sud
Genre: Drame
Durée: 110 minutes
Sortie: 13 Novembre 2014
Réalisatrice: Boo Ji Young
Scénariste: Kim Kyung Chan
Productrice: Jamie Shim
Compositeur: Lee Ji Soo
Directeur de la photographie: Kim Woo Hyung
Société de production: Myung Films
Société de distribution: Little Big Pictures
Casting principal: Yum Jung Ah (Sun Hee), Moon Jung Hee (Hye Mi), Kim Young Ae (Soon Rye), Kim Kang Woo (Dong Joon), Do Kyung Soo (Tae Young), Hwang Jeong Min (Ok Soon), Chun Woo Hee (Mi Jin)

Bienvenue client bien-aimé !

Le film Cart est une critique sociale, basé sur des faits réels. Ceux-ci ont aussi été transcrits dans le webtoon Awl de Choi Kyu Seok qui a ensuite été porté à la télévision dans le drama du même nom (Je ne le recommanderai jamais assez !). En 2007, la chaîne de supermarchés Homever, appartenant au groupe E-land (ils ont acquis les activités coréennes de Carrefour en septembre 2006 qu’ils ont renommés en Homever), a licencié des travailleurs temporaires, principalement des femmes, et les a remplacés par des employés externalisés pour contourner une nouvelle loi exigeant que les employés reçoivent le statut de travailleur régulier après une certaine période de travail au sein de l’entreprise. Les employés licenciés et les syndicats se sont mis en grève devant le supermarché pendant 512 jours jusqu’à ce que l’affaire soit réglée, certains employés étant réintégrés.

Le film ne se limite cependant pas à cet incident. Pour le réaliser, Boo Ji Young a étudié d’autres occurrences de ce type comme le sort du personnel de nettoyage irrégulier dans les principales universités coréennes, y compris Hongik et Yonsei.

C’est un problème intimidant, qui se produit beaucoup plus souvent dans chaque partie de notre société que nous ne le pensons.

Les problèmes de l’insécurité de l’emploi, des licenciements et des travailleurs temporaires sont un sujet universel qui dépasse les frontières de la Corée du Sud. Le film a été projeté pour la première fois au festival du film international de Toronto et les spectateurs internationaux ont été touchés par lui.

La compagnie de production Myung Films a travaillé sur ce film depuis 2008. Elle a envoyé un premier script à la réalisatrice Boo Ji Young en 2011 qui a voulu partager l’histoire de ces personnes ordinaires qui s’unissent et obtiennent du pouvoir. Elle a étudié ce problème pendant plusieurs années avant de réaliser ce film sorti en 2014. Elle a ainsi parlé à de nombreux employés impliqués dans des conflits de travail similaires. Lorsqu’elle a rencontré des employés ayant protesté contre Homever, elle s’est aperçue que la compagnie harcelait les travailleurs par diverses méthodes telles que la réintégration sélective et en forçant notamment les manifestants à compenser les pertes de ventes subies pendant la manifestation.

Le plus triste de tout cela est que ces actions de l’entreprise n’ont fait que creuser un fossé entre les manifestants. Lorsqu’ils doivent consacrer leur énergie à lutter contre l’entreprise, ils finissent par se battre entre eux.

Même si elle savait qu’elle n’avait pas le pouvoir de changer le système de travail ou d’apporter des changements politiques, Boo Ji Young espérait que grâce à ce film, les gens deviendraient plus conscients du problème et s’engageraient dans un dialogue. Pour elle, un réalisateur, en tant que créateur, doit être sensible à ce qu’il se passe dans la société et proposer un travail qui reflète les temps actuels.

Boo Ji Young décrit ainsi son film :

Cart raconte l’histoire des intérimaires d’un grand supermarché qui luttent contre leur licenciement abusif par leur entreprise. Unis par leur courage et leurs croyances fortes, des dizaines de femmes ordinaires changent la vie des autres.

Sun Hee travaille depuis cinq ans au magasin, espérant que son poste contractuel évoluera vers un emploi à temps plein qui lui a été promis plusieurs fois. Avec son mari absent qui travaille sur des chantiers maritimes durant plusieurs mois, Sun Hee a besoin d’un salaire stable pour subvenir aux besoins de leurs deux enfants. Elle est ainsi toujours disposée à travailler des heures supplémentaires. Hye Mi est une mère célibataire qui n’accepte pas de travailler plus qu’elle ne doit à l’entreprise.

Ces deux femmes, employées temporaires, reçoivent comme tant d’autres employées du magasin un SMS les informant qu’elles sont licenciées. L’indignation succède rapidement à l’incompréhension. Les hôtesses de caisse et les techniciennes de surface licenciées se réunissent ensemble pour protester contre l’entreprise (il leur reste quelques semaines sur leur contrat). Sun Hee, Hye Mi et Soon Rye, une femme de ménage, sont élues pour les représenter. Le syndicat de travail ainsi formé est ignoré par les patrons de l’entreprise. Après plusieurs entretiens où les trois femmes attendent des heures sans qu’aucun membre de la direction ne vienne pour discuter, elles doivent alors passer à la vitesse supérieure. Il est temps qu’on les écoute : une grève s’installe.

Les employées dont les contrats ont été résiliés tentent alors divers moyens pour se faire entendre : elles commencent par bloquer l’accès aux caisses ou au magasin avant d’installer des tentes devant le supermarché pour simplement signifier leur présence. Mais le combat avec l’entreprise est loin d’être égalitaire. Les patrons veulent simplement que le bruit cesse pour que leur chiffre d’affaires ne baisse pas mais ils n’ont aucunement l’intention de négocier avec le syndicat du travail. Ils ont embauché des employés précaires pendant des mois pour ne pas avoir à leur accorder un salaire décent et ils les ont licenciés pour réduire encore plus les coûts, en comblant les besoins en main d’œuvre avec une entreprise externe. De plus, ils ont avec eux la police puisque le mouvement de grève est illégal.

Ces femmes sont dans des situations très précaires. Elles occupent des emplois temporaires qui ne sont pas très bien payés et dont les nombreuses heures supplémentaires ne sont certainement pas dédommagées. Cependant, cet emploi est primordial pour elles. En effet, ce maigre salaire est parfois la seule source de revenus de la famille. Elles doivent subvenir aux besoins de leur famille, leurs enfants bien évidemment mais souvent aussi leurs parents ou leurs conjoints, qu’ils soient simplement à leur charge mais parfois aussi malades. Ces femmes sont donc sous le choc de leur licenciement soudain et abusif. Elles n’ont pas de soutiens ou de connaissances pour s’opposer à l’entreprise. Elles ont cependant elles-mêmes. En se regroupant, elles deviennent solidaires. Elles apprennent à se connaître, elles partagent leurs joies et leurs peines, en luttant ensemble.

Ces femmes sont plus tard rejointes par Dong Jun, un jeune directeur adjoint qui renonce à son emploi permanent, quand d’autres employés sont aussi touchés par cette crise. Il est alors élu comme dirigeant syndical. Il est dommage que cette lutte de femmes soit finalement réduite à être dirigée par un homme. Surtout qu’elles étaient principalement ignorées des autres avant que leur emploi soit aussi menacé… Cela se comprend toutefois car tous les employés ont peur de perdre leur travail. Ils veulent peut-être se montrer solidaires avec leurs collègues mais ils ont aussi leur famille à laquelle penser.

La lutte est difficile pour tous. Ils ne gagnent pas d’argent quand ils sont en grève. Celle-ci dure des jours, puis des semaines, puis des mois. Il était déjà difficile de vivre avant avec le peu d’argent qu’ils gagnaient mais désormais, sans aucune source de revenus, la situation est intenable. Certaines personnes, influencées par l’entreprise, sont alors réemployées. D’autres abandonnent et trouvent un autre emploi. Entre les coups pris par la police, le manque de revenus, les employés se demandent à plusieurs reprises combien ils sont prêts à sacrifier pour lutter pour la justice.

A travers Sun Hee qui ne s’était jamais battue pour elle-même, à travers toutes ces femmes sous-payées, à travers tous ces employés en situation précaire, la réalisatrice décrit le combat de ces personnes désespérées et sans défense contre des hommes assoiffés d’argent, ces hauts dirigeants qui n’ont aucune idée de leur situation. Ou justement, ils savent mais s’en moquent. Ils sont dans une société capitaliste où le profit est leur seule motivation. Licencier ces employés temporaires pour embaucher des employés traités encore plus injustement et précairement qu’eux leur permet de réaliser quelques économies. Et ces employés précaires, temporaires ou externes, ne peuvent qu’accepter ces postes peu enviables puisqu’ils ont besoin de cet argent. Le cercle vicieux continue.

Boo Ji Young met les femmes au centre de ses films. Il est à noter qu’elle est aussi encline à raconter des histoires de sororité. Dans Sisters on the road, Shin Min Ah et Gong Hyo Jin sont à l’opposé l’une de l’autre. Très distantes, un voyage leur permet de se (re)trouver. Seon Hee (Yum Jung Ah) et Hye Mi (Moon Jung Hee) ne sont pas de vraies sœurs mais sont aussi proches que telles. Très différentes l’une de l’autre, ce combat les rapproche et leur permet de sympathiser. La réalisatrice ne raconte pas spécialement des histoires sur des femmes ou des personnes dont la situation sociale est précaire. Elle est simplement intéressée pour raconter ce qui manque à la société.

Depuis mon mariage, j’ai profondément ressenti que les femmes sont socialement réprimées et, en conséquence, j’ai inventé des histoires concernant les faibles de la société. Je suis particulièrement intéressée par leur existence. Je voudrais donc continuer à parler des femmes qui vivent leur vie de manière indépendante.

Les femmes de ce film sont plutôt unidimensionnelle mais il est facile de s’attacher à elles et à leur cause. Leur lutte devient la nôtre. La fin du film peut paraître de premier abord un peu abrupte en laissant des éléments non résolus mais elle sonne au final juste. Le combat pour un emploi correct, l’égalité salariale, etc., n’est jamais terminé. De plus, la Corée du Sud a beaucoup d’avancées à faire concernant les droits du travail et de manifestation.

Ressenti : ★★★★☆

Trailer :

Sources :
The Korea Herald
Women and hollywood (Indie wire)
Korean Cinema Today